On imagine souvent cette scène comme un joli cliché : une échographie, un sourire, une larme, un « c’est une fille » ou un « c’est un garçon » prononcé doucement par le gynécologue. Mais derrière l’image se cache une réalité bien plus riche, parfois plus remuante aussi. Car l’annonce du sexe d’un bébé, ce n’est jamais juste une info médicale. C’est un moment de projection, de souvenirs, de rêves — et parfois, de réajustement silencieux.
Quand tout se joue en quelques secondes
Qu’on ait attendu ce moment avec impatience ou qu’on ait essayé de résister à la tentation de prédire le sexe de bébé, la première phrase prononcée après l’échographie marque un basculement. Et pour beaucoup de futurs parents, cette annonce vient confirmer ou contredire ce qu’ils pensaient déjà savoir grâce à une prédiction sexe bébé glanée dans une conversation, une tradition familiale ou un test chinois trouvé en ligne. Mais entre l’idée qu’on s’en faisait et la réalité, il y a parfois un petit décalage…
Certains sourient à l’annonce, d’autres se taisent, digèrent. Il y a celles qui rêvaient d’une petite fille et entendent « c’est un garçon ». Ceux qui n’avaient pas vraiment de préférence… jusqu’à ce qu’ils entendent le contraire. C’est dans ce laps de quelques secondes que beaucoup de choses se cristallisent.
Une avalanche d’émotions pas toujours simples
Dire qu’on est déçu, même un peu, est presque interdit. Et pourtant, c’est humain. Ce n’est pas une déception vis-à-vis du bébé, évidemment, mais plutôt le deuil d’une idée, d’un prénom qu’on s’était déjà mis à chuchoter en secret, d’un lien imaginaire qu’on avait commencé à tisser. Le cœur fait un petit pas de côté, le temps de recalibrer l’amour vers ce petit être réel, qu’on aime déjà mais qui vient de prendre un autre visage.
Chez certaines femmes, surtout lors d’une première grossesse, l’annonce du sexe vient réveiller des souvenirs enfouis : une relation difficile avec leur propre mère, un frère idéalisé, ou le désir de transmettre quelque chose de féminin ou de masculin, qu’elles sentent peut-être leur échapper. Et chez les hommes ? Même chose, mais souvent plus silencieusement. Le rêve d’un fils pour « faire comme papa », ou celui d’une fille à chérir, tout ça peut secouer bien plus que prévu.
Le regard des autres n’aide pas toujours
« Encore un garçon ? Ah, il faudra faire une fille la prochaine fois ! » Qui n’a jamais entendu ce genre de remarque, souvent lancée avec le sourire mais rarement neutre ? L’entourage, même bienveillant, projette énormément sur le sexe de l’enfant. Et quand l’annonce ne colle pas aux attentes implicites des grands-parents, des amis ou même des frères et sœurs aînés, les parents peuvent ressentir une sorte de malaise — une impression de devoir justifier ou rassurer.
Résultat, certains couples décident de garder le secret jusqu’à la naissance. D’autres organisent de grandes « gender reveal parties », avec fumée rose ou bleue, confettis ou ballons… comme pour conjurer le stress, et faire de ce moment une fête. Mais sous les paillettes, la vérité est souvent plus intime. Et parfois plus ambivalente.
Se réapproprier le lien
Heureusement, dans la majorité des cas, ce moment de flottement laisse vite place à autre chose. Une fois le sexe connu, les futurs parents se mettent à appeler le bébé par son prénom, à lui écrire des lettres, à choisir ses habits, à se projeter dans des scènes de vie. Le lien se tisse autrement, parfois même plus profondément qu’avant.
Mais ce lien, il faut parfois l’apprivoiser. Surtout quand l’annonce a bousculé. Parler, écrire, faire de la place à l’émotion, même contradictoire, est essentiel. Certaines femmes trouvent un espace précieux dans les groupes de parole prénatale, dans les séances de yoga ou de préparation à l’accouchement. Ce sont des lieux où l’on peut dire qu’on a eu peur, qu’on a douté, qu’on a pleuré. Et que c’est normal.
Et si on ne voulait pas savoir ?
Il y a aussi celles et ceux qui font un autre choix : ne pas connaître le sexe. Garder la surprise, jusqu’au bout. Ce n’est pas une fuite, mais une autre façon de vivre l’attente. En se laissant traverser par toutes les possibilités, sans se fixer. Souvent, ces parents racontent que ça les a aidés à accueillir l’enfant dans ce qu’il est, sans projeter trop vite. Ni couleur, ni prénom figé, ni fantasme trop déterminé.
Ce choix, encore rare, pose d’ailleurs une autre question : le sexe, au fond, est-ce si important ? Certains couples disent que non. Qu’aujourd’hui, ce qui compte, c’est la santé, l’équilibre, l’amour qu’on donne. Et que le reste viendra, avec le temps, la personnalité de l’enfant, son propre chemin à lui.
Un moment fondateur
Finalement, que l’on choisisse de savoir ou pas, que l’on saute de joie ou que l’on reste silencieux, la révélation du sexe n’est pas un détail. C’est un moment fondateur. Il marque une étape dans l’attachement, dans la manière de se projeter, dans l’histoire qu’on commence à écrire à deux, à trois, à quatre…
Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réaction. Il n’y a que des parents qui avancent, avec leur histoire, leurs envies, leurs failles aussi. Et un tout petit être qui, garçon ou fille, s’apprête à tout bouleverser.